par Gérald C. Boudreau
Aujourd'hui (le 11 juillet 1999) est une journée glorieuse et mémorable. Jadis, il y a au-delà de deux siècles, nos ancêtres d'heureuse mémoire se rassemblaient ici même, comme nous aujourd'hui, autour de ce lieu sacré pour rendre grâce et gloire à leur créateur et, en certains tristes moments, pour dire adieux à leurs êtres chers.
Ce qui nous rassemble aujourd'hui n'est pas tellement différent. Nous rendons hommage respectueux à nos ancêtres, ensevelis dans cette terre bénie, et à un pasteur estimé et extraordinaire qui a été pour et avec eux un pilier colossal. Á preuve, lequel parmi nous laissera sa marque de manière à être ainsi célébré dans deux siècles d'aujourd'hui ?
Nous devons une dette de reconnaissance très particulière à nos ancêtres qui ont eu le courage, la force d'âme, et la persévérance de se rétablir sur ces côtes sauvages à l'époque, pour fonder une communauté dont nous sommes très fiers aujourd'hui. Si ce n'eut été de ce courage exceptionnel et de cette détermination dont nos ancêtres ont fait preuve, notre culture et notre langue particulières ne seraient probablement pas ce qu'elles sont aujourd'hui. Nos ancêtres ont bâti une communauté enviable et digne du respect et de l'admiration de bien d'autres communautés qui nous entourent. Et cette communauté a été réalisée avec la participation singulière et avec le concours spécial et précieux du premier curé résidant de l'époque. Ce curé est nul autre que l'abbé Jean Mandé Sigogne.
Grâce aux fêtes du bicentenaire de son arrivée en 1799, Sigogne commence à être reconnu pour ce qu'il a accompli. Son influence sur nous, les descendants de ces vaillants pionniers de la fin du 18e siècle, se prolonge jusqu'à nos jours. Que l'on songe par exemple, aux fondements de l'éducation formelle en cette région, et en français surtout, c'est à Sigogne qu'en revient l'heureuse initiative. Si nous possédons aujourd'hui de belles écoles, et encore de plus belles dans l'avenir, si nous avons en notre milieu deux établissements post-secondaires d'expression française, si nos jeunes et moins jeunes s'intéressent à poursuivre leurs études aux universités, ne donne-t-on pas crédit à ce missionnaire qui s'est dévouée corps et âme pour éduquer les Acadiens de son temps, et pour semer les bases de la valeur inconditionnelle de l'instruction? Si ce n'était de Sigogne, les Acadiens de son époque auraient-ils pu continuer à se développer sur le plan civil, sur le plan politique, sur le plan économique et envisager l'avenir avec autant d'optimisme qu'ils ne l'ont fait? Á mon avis, c'est incertain.
Nos ancêtres acadiens ont pu évoluer dans cette belle communauté parce qu'ils ont eu pendant 45 ans un personnage imposant et influent auprès du gouvernement de la province. Homme très instruit, homme bien diplomate auprès des autorités gouvernementales, travailleur infatigable, et juge de paix, Sigogne a constamment collaboré avec son peuple pour obtenir des grandes concessions de terre pour les familles acadiennes qui ne cessaient d'augmenter, pour obtenir des subventions du gouvernement pour construire des chemins, des ponts, des quais, des brise-lames, etc. Toutes ces infrastructures ont contribué au développement durable de cette communauté qui aujourd'hui fait la fierté de tous et de toutes. Les fondements d'une communauté étant solidement établis, un avenir prometteur est assuré. C'est cela l'oeuvre de Sigogne, une oeuvre centrale au peuple acadien relevé de la désastreuse déportation visant, sans succès, à nous anéantir comme peuple. Sigogne a été ce pilier indispensable sur lequel le peuple acadien de cette région s'est appuyé pour se relever.
Il y a sept ans déjà, je partageais le projet d'un monument sur ces lieux avec notre cher ami d'heureuse mémoire, Mgr Nil Thériault, alors président de la Société historique acadienne de la Baie Sainte-Marie. Les Acadiens d'aujourd'hui, disait-il, doivent se souvenir de l'existence, il y a deux siècles, d'une petite chapelle rustique dans laquelle nos ancêtres, pendant une vingtaine d'années, se rassemblaient pour prier, et d'un cimetière où ils enterraient leurs morts. Je parie qu'il s'associerait volontiers à notre fierté devant ce monument érigé par la générosité des citoyens de la municipalité de Clare.
Le monument que vous verrez dans toute sa splendeur dans quelques moments est le fruit d'une bienveillante collaboration de plusieurs personnes de cette communauté. Ces personnes ou le nom de leur compagnie sont mentionnées au programme et nous y reviendrons. Il faut cependant vous dire ici publiquement qu'à chaque fois que nous avons sollicité de l'aide ou une contribution quelconque, nous avons ressenti une volonté vive, un empressement même, de chacune des personnes approchées pour contribuer à ce monument. Ce genre de réception de la communauté a été tout au long un stimulant et un encouragement pour les membres du Comité Sigogne 200e.
Le monument qui sera bientôt dévoilé est à la manière du peuple acadien, c'est-à-dire solide et durable. C'est un roc massif de granit, orné d'une belle croix en acier inoxydable et d'une jolie plaque commémorative en bronze. La fondation de l'ancienne chapelle souvenir, dont certains parmi nous se rappellent encore, sert d'enclos pour protéger et supporter le tout. Elle prend de l'âge cette fondation, mais grâce à une courroie en acier inoxydable qui l'encercle et à quelques retouches en ciment, nous estimons qu'elle servira encore bien longtemps. De plus, la fondation est fortifiée d'un petit trottoir surélevé de pierres concassées permettant ainsi de contourner le monument et en admirer toutes les façades. Vous remarquerez aussi, sans doute, que dans la mesure du possible, le matériel utilisé est naturel à la région, des pierres et des billots de grève, par exemple. Avec un minimum de maintien, ce monument subsistera pendant plusieurs décennies, sinon des siècles, comme mémorial éloquent de l'oeuvre prodigieuse de Sigogne et de nos respectés et braves ancêtres acadiens.
En terminant, je désire remercier sincèrement les membres du Comité Sigogne 200e qui se sont dévoués généreusement à la réalisation de ce monument ainsi que des autres activités durant ce bicentenaire. Vous trouvez leur nom sur le programme: il s'agit de Raymond LeBlanc, président de la Société historique acadienne de la Baie Sainte-Marie, Mildred Comeau, agente communautaire de la FANE, Victor LeBlanc, conseiller municipal et président régional de la FANE, et Chester Melanson, citoyen de la Pointe-de-l'Église. Moi-même, j'ai l'honneur d'en être le président.
Mesdames et messieurs, je vous invite à faire de ce monument un lieu sacré et respecté pour ce qu'il symbolise. La poussière de nos ancêtres repose sous nos pieds, mais au-dessus de la terre est dressé un symbole mémorable de ce que nos pères et mères ont vécu pour nous donner la qualité de vie que nous possédons aujourd'hui. Que grâce et bonheur soient la destinée éternelle méritée de nos ancêtres et de notre bien-aimé héros, Jean Mandé Sigogne !
Merci !
Voici le texte qui se trouve inscrit sur la plaque en bronze gracieusement fournie par la municipalité de Clare.
sur le terrain concédé le 8 mai 1775
par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse
à l'Église catholique
et au missionnaire des Acadiens.
Dévoilé lors du bicentenaire de l'arrivée en 1799
de l'abbé Sigogne,
sous le patronage de la
Société historique acadienne
de la Baie Sainte-Marie
le dimanche 11 juillet 1999.
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