L'horreur et le scandale des bombes à sous-munitions

par James Crombie


Des engins diaboliques qui continuent à faire leur sale boulot - même après la fin des hostilités

Nous sommes en Afghanistan, en Iraq, au Liban, au Kosovo, au Laos. La guerre est finie.  Les canons se sont tus et les avions de chasse ne sèment plus l'épouvante dans les villages et dans les banlieues.  Un enfant joue sur le terrain de son école ou court avec d'autres enfants dans un champ.  Soudain, la terre explose sous ses pieds. Il se réveille à l'hôpital et apprend qu'on lui a amputé une jambe. Il se déplacera avec une béquille ou en fauteuil roulant pour le reste de ses jours.  Ou encore il ne se réveillera pas et ce sont ses camarades de jeu ou ses parents qui retrouveront son corps mutilé, défiguré et ensanglanté, gisant par terre, sans vie.  Il est la victime de l'une des bombelettes de ce que l'on appelle une bombe à sous-munition.  Un communiqué de Human Rights Watch nous rappelle qu'un grand pourcentage des bombelettes distribuées par celles-ci n'explosent pas au moment où elles sont lancées et peuvent donc exploser des jours, des semaines, des mois ou des années après la fin des hostilités.  Gare aux enfants qui veulent jouer dehors, gare aux agriculteurs, gare aux vaches et aux chèvres envoyées au pâturage, gare aux curieux qui peuvent ramasser par terre une de ces bombelettes pour mieux l'examiner et l'identifier!   Depuis la fin des récentes hostilités au Liban, par exemple, «les bombes à fragmentation ont tué ou blessé trois personnes par jour en moyenne depuis la fin de la guerre, soit un bilan total de 15 morts, dont un enfant, et 83 blessés dont 23 enfants»!   Ces propos sont de David Shearer, coordinateur des affaires humanitaires de l'ONU au Liban, cité dans un reportage du NouvelObs.com en date du 19 septembre 2006.  Ces chiffres se rapportent aux sous-munitions laissées par l'offensive récemment menée par les forces armées d'Israël au Liban. Plus récemment, un autre communiqué de Human Rights Watch en date du 19 octobre 2006 révèle que le Hezbollah a, pour sa part, lancé des sous-munitions sur des zones habitées par des civils dans le Nord d'Israël au moyen de roquettes de de fabrication chinoise, de sorte que les belligérants des deux côtés sont coupables d'avoir employé ce type d'«armes à retardement». Une nouvelle parue dans le Devoir du 27 septembre 2006 annonce que, même un mois après la fin des hostilités, 200.000 Libanais se trouvaient encore dans l'impossibilité de rentrer chez eux en raison de la présence de sous-munitions non explosées.

–  www.mcc.org/clusterbombs/ (consulté le 28 septembre 2006)

Qu'est-ce qu'une bombe à sous-munitions?

On dit aussi «bombe à grappes», «bombe à fragmentation» et «munitions à dispersion».  Des engins de ce type peuvent prendre la forme d'un obus tiré par un canon, d'une bombe larguée par un avion, d'un missile autopropulsé, etc.  Selon la définition retenue par Handicap International:
 

Les bombes à sous-munitions (BASM) sont une catégorie de munitions destinée à «arroser» un large périmètre. Leur principe est simple : un gros conteneur (bombe, obus, missile, roquette), est rempli de bombelettes (les sous-munitions). Le conteneur s’ouvre et disperse les sous-munitions au dessus d’une zone, créant ainsi un tapis d’explosions pouvant couvrir plusieurs hectares ! 
–  www.sousmunitions.org/basm/les_basm.php (consulté le 28 septembre 2006)

C'est l'équivalent moral d'une mine anti-personnel - ou d'un attentat à la bombe

Comme les mines antipersonnel, les bombes à sous-munitions victimisent largement les populations civiles.  Cette victimisation se produit le plus souvent après la fin des hostilités et continue à se produire tant que les territoires affectés n'auront pas été déminés. Comme les mines antipersonnel, les bombelettes dispersées par les bombes à sous-munitions frappent surtout des non-combattants. Souvent, il s'agit de personnes qui n'ont rien à voir avec le conflit ayant constitué le motif du déploiement de ces explosifs. En cela, l'usage de ces engins ressemble énormément aux attentats à la bombe dans les zones urbaines et dans les moyens de transport en commun.  C'est un comportement digne d'une mentalité criminelle mais non pas d'une armée qui se bat pour une cause qu'elle prétend être juste.  On se rappellera l'indignation provoquée par la guégerre que se sont livrée les Hell's Angels et les Rock Machines à Montréal en 1994, faisant sauter avec leurs bombes des passants qui n'avaient strictement rien à voir avec leur querelle.  Il s'agissait de deux bandes de motards criminels qui se disputaient le monopole du trafic des stupéfiants et la mainmise sur la prostitution.

Des déchets meurtriers qu'il faut nettoyer

A-t-on déjà vu que les vainqueurs dans un conflit s'empressent, dès la fin des hostilités, de nettoyer tous les déchets meurtriers qu'ils ont répandus?  Il coûte énormément plus cher de trouver et de neutraliser ces chères petites bombelettes qu'il n'en coûte pour les disperser un peu partout.  On voit les vainqueurs distribuer des tablettes de chocolat et des vivres, on les voit parfois réparer les écoles en ruines, mais on ne les voit pas souvent se mettre sérieusement à l'oeuvre pour trouver et neutraliser toutes les sous-munitions et toutes les mines anti-personnel qui attendent silencieusement leurs victimes et qui, de plus, nuisent à la reprise des activités économiques des régions dévastées par la guerre.  Il n'en demeure pas moins une évidence que le ou les responsables de la présence de ces explosifs sur un territoire acquièrent, par le fait même, l'obligation morale par la suite de libérer le territoire en question des sous-munitions et des mines qu'ils y auront répandues.
 

Deux campagnes sont nécessaires

Essentiellement deux campagnes sont nécessaires:

  1. une pour trouver et neutraliser les sous-munitions et les mines qui ont déjà été disséminées dans des habitats humains lors de conflits armés ayant déjà eu lieu et
  2. une deuxième campagne pour faire adopter des lois nationales et une convention internationale interdisant tout usage futur de telles armes - ainsi que leur vente, leur stockage et leur fabrication - sur le modèle de la Convention d'Ottawa de 1997 sur l'interdiction des mines antipersonnel dont il faut étendre l'application pour qu'elle s'applique aux bombes à sous-munitions.
S'agissant de la Convention d'Ottawa, il faut également exercer de plus fortes pressions sur la quarantaine de pays – dont Cuba, la Corée du Nord, la Chine, la Russie, l'Arabie saoudite et les États-Unis – qui ne l'ont encore ni signée ni ratifiée pour qu'ils finissent par y adhérer ou du moins par s'y conformer.  Handicap International signale que le 16 février 2006 la Belgique a été le premier pays à voter une loi pour interdire les bombes à sous-munitions.  Le Canada a déjà fait preuve de leadership moral pour les mines antipersonnel.   Sera-t-il parmi la première douzaine de pays à prendre position sur les bombes à sous-munitions?
 



Références




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