« Cachez-moi ce Guernica que je ne saurais voir! »


Pourquoi Colin Powell ne tenait-il pas à se faire photographier devant ce tableau le 5 février 2003?

"Guernica" (1937) par Pablo Picasso


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Le tableau que l'on voit ci-dessus en est un devant lequel le Secrétaire d'État états-unien Colin Powell ne tenait pas à se faire photographier le 5 février 2003.

Guernica est une petite ville du Pays basque espagnol qui a été attaquée et détruite le 27 avril 1937 par des avions de guerre allemands, prêtés avec leurs pilotes par Adolf Hitler au général rebelle Francisco Franco.  Les réfugiés qui fuyaient la ville ont été mitraillés de l'air.

Environ 1.700 civiles, y compris des femmes et des enfants -- pour ne pas mentionner les taureaux et les chevaux visibles dans le tableau -- ont péri.  Certains historiens prétendent que c'était la première fois dans l'histoire que des civiles avaient été la cible d'une attaque semblable.

L'un des objectifs visés par les fondateurs de l'Organisation des Nations unies était justement de prévenir ce genre d'atrocité.  Une énorme reproduction de Guernica, prêtée en permanence à l'organisation internationale par la veuve du millionaire Norman Rockefeller, se retrouve à l'entrée du Conseil de Sécurité.
 
 
 

Le 10 février 2003, Laurent Laplante écrivait :

« L'anecdote est si magnifique dans sa bêtise qu'elle devient immensément révélatrice. En prévision du réquisitoire qu’allait prononcer le secrétaire d’État américain en faveur de la guerre contre l’Irak, on aurait veillé à voiler Guernica, la tapisserie reproduisant la dramatique fresque de Picasso que la veuve du milliardaire américain Nelson Rockefeller a offerte à l'ONU en 1985 et qui se trouve à l'entrée de la salle du Conseil de sécurité à New York. Il ne fallait surtout pas que les caméras puissent présenter des scènes de carnage, même stylisées, au moment où Colin Powell martelait son appel à la guerre. »

La guerre, c'est la mort et le démembrement.  La guerre c'est la perte d'une jambe ou d'une main à l'âge de dix ans.  La guerre, c'est vivre le reste de ses jours avec un handicap.  La guerre, c'est assister impuissant à la mort d'un être cher qui perd tranquillement son sang, sans qu'on puisse y faire quoi que ce soit.  Ou encore, on peut mourir et l'être cher peut mourir d'autres manières bien plus dégoûtantes :  de fièvre et de dysenterie, par exemple, les égouts et l'aqueduc de la ville étant touchés par des bombes et l'électricité nécessaire pour faire bouillir un peu d'eau venant à manquer pour la même raison.  La guerre, c'est les brûlures; c'est aussi s'occuper comme l'on peut d'un grand brûlé -- en l'absence d'antibiotiques!

Il y a certes des bombes « intelligentes » guidées par laser et par de nombreuses autres merveilles de la technologie.  Mais pendant les campagnes du Kosovo et de l'Afghanistan, on a quand même assisté à un usage plutôt abondant de ce que l'on appelle des bombes à fragmentation -- une autre merveille de la technologie, mais bien moins «intelligente» que les autres.   Tout laisse prévoir que l'on y aura recours de nouveau.  Ces bombes à fragmentation se transforment en l'équivalent de milliers de petites mines anti-personnel.  Elles sommeillent là où elles tombent, dans un champ ou au bord de la route, attendant l'ennemi.  Mais, malheureusement, ces engins ne distinguent pas entre les soldats et les enfants.  Qui pis est, pendant la campagne de l'Afghanistan, on avait également distribué par la voie des airs de petits paquets de vivres qui avaient une malencontreuse ressemblance avec les bombes.  Mois après mois, année après année, pendant la guerre et après la guerre, et encore quand les raisons pour faire la guerre auront été depuis longtemps oubliées, ces paquets d'explosifs continueront à tuer et à rendre infirmes pour la vie de nombreux enfants et adultes -- pour ne pas mentionner les chevaux, les taureaux, les vaches, les chèvres, les moutons et les chiens qui ne limiteront pas leurs déplacements aux seuls sentiers certifiés dégagés de mines.

Avez-vous entendu parler d'une campagne en vue d'éliminer ces déchets explosifs des villes et des campagnes du Kosovo? de l'Afghanistan?  Les instances appropriées ont-elles décrété que de telles armes ne seront jamais plus utilisées, et notamment qu'elles ne seront pas utilisées lors d'une invasion de l'Irak?  En l'absence de telles assurances, nous avons une raison de plus de refuser notre consentement à une intervention militaire contre l'Irak à ce moment-ci.  Les forces armées qui se battent pour des causes prétendument justes ont une obligation toute particulière de prendre les mesures qui s'imposent afin d'éviter les risques pour la population civile innocente.
 
 




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Pour consulter la page "Guernica Cover Up at the U.N." du Artists Network of Refuse and Resist cliquer ICI.