Peirce et Descartes :
Une question de méthode(s)
 

par James Crombie, Ph.D.

Université Sainte-Anne

Pointe-de-l'Église, Nouvelle-Écosse, Canada
 



 
 

Cet article a été publié dans 
La Revue de l'Université Sainte-Anne (1993) 
pp. 48-72.

Summary in English


Introduction
Parler de méthode, c'est, implicitement du moins, faire référence au fait qu'il existe plusieurs manières de procéder. Dès lors, la question de méthode devient une question de choix. Ce choix, à son tour, s'effectue à la lumière d'une appréciation des finalités de l'activité en question et des conditions dans lesquelles celle-ci se déroule.
Descartes et Peirce, écrivant à plus de deux siècles d'intervalle, nous proposent des balises pour guider la démarche de l'esprit qui cherche sa voie. Force nous est de constater que ces deux auteurs n'ont pas la même conception de la nature de l'esprit et de ses possibilités. Comme nous verrons, les analyses que nous propose Peirce à propos du doute et de la croyance font de lui une sorte d'anti-Descartes.
Les personnages
Le nom et le personnage de René Descartes (1596-1650) nous sont bien connus. Certains auteurs vont jusqu'à voir en lui le « père de la philosophie moderne »(1), Descartes est célèbre pour son cogito ergo sum, pour sa soif de certitude, ainsi que pour le virage épistémologique et méthodologique qu'il a imprimé à la pensée occidentale. Il occupe également une place importante dans l'histoire des mathématiques et de la physique : c'est en sa mémoire que les coordonnées sont « cartésiennes », et il est considéré comme l'un des pionniers de l'optique moderne, en plus d'avoir contribué à plusieurs autres disciplines scientifiques.
Les lecteurs de langue française, pour leur part, ont deux raisons additionnelles pour être particulièrement sensibles à la mémoire de Descartes : 1o s'il n'a pas été le tout premier philosophe à publier en français plutôt qu'en latin(2), il a quand même été parmi les premiers à le faire, et 2o une certaine mythologie veut que les francophones aient « l'esprit cartésien » en matière juridique et constitutionnelle.(3)
Charles Sanders Peirce, pour sa part, commence à peine à être bien connu des non-philosophes. Né de ce côté-ci de l'Atlantique, à l'ombre de l'université Harvard au Massachussetts, où son père enseignait les mathématiques, Peirce vécut de 1839 à 1914. Comme Descartes, il s'est intéressé tôt aux sciences, il y a consacré une bonne partie de sa vie et il y a contribué de façon marquante. Les spécialistes de plusieurs disciplines reconnaissent en lui un penseur et un précurseur important. Les spécialistes de philosophie américaine, notamment, savent que c'est Peirce, et non pas William James -- James lui-même le reconnaît! -- qui est le véritable père du pragmatisme américain.(4) Linguistes, sémiologues et sémioticiens ont tous eu à confronter au cours de leurs études la distinction tripartite entre « icônes », « indices », et « symboles », même s'ils ne savent pas toujours que c'est Peirce qui en est l'inventeur et que celui-ci, avec Saussure, doit être considéré comme l'un des principaux fondateurs de la sémiotique ou théorie des signes. À ce titre, Robert Marty observe :
« Charles Sanders Peirce est "le plus profond investigateur de l'essence des signes", telle est l'opinion de R. Jakobson sur le sémioticien américain; René Thom qualifie sa classification des signes de "simple et profonde" et il n'est pas d'auteur qui dans les premières pages d'une présentation générale de la sémiotique ne consacre quelques lignes au "grand précurseur".»(5)
Mentionnons, enfin, que Peirce a à son actif d'importants travaux en physique, en cartographie, en mathématiques(6), en psychophysique et en épistémologie. Il a été l'un des principaux fondateurs de la nouvelle logique mathématique du 20e siècle, ayant inventé ce qu'on appelle aujourd'hui les quantificateurs universels et existentiels à peu près au même moment où Frege faisait la même découverte en Allemagne.
Ainsi, déjà au niveau du curriculum vitae, il existe d'importants parallèles entre nos deux personnages, chacun ayant réalisé d'importantes contributions à plusieurs disciplines scientifiques. Ce qui retiendra surtout notre attention, ici, cependant, c'est ce que l'un et l'autre ont apporté à la réflexion philosophique sur le problème de la connaissance et sur le problème « méthodologique ».

 
Le projet cartésien
C'est en 1637 que Descartes publie son Discours de la méthode pour bien conduire sa raison, et chercher la vérité dans les sciences. Par cette oeuvre, rédigée en français, langue de la nouvelle bourgeoisie instruite, Descartes cherche à faire un nouveau début en philosophie et à contourner l'establishment universitaire et intellectuel de son temps, chez qui et pour qui l'emploi du latin, ainsi que les références aux auteurs anciens, sont encore obligatoires, ou presque. Écrivant en français, et sans s'appuyer une seule fois sur l'autorité d'Aristote, Descartes en appelle directement à la raison de chaque être humain capable de raisonner.(7)
Nous voyons, en effet, que, dès les premières lignes de son livre, Descartes affirme que « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée »(8). Sans nier que certaines intelligences ne soient supérieures aux autres(9), Descartes fait observer que « ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien »(10), à quoi il ajoute que « les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices aussi bien que des plus grandes vertus »(11). La tortue de la fable, qui persévère et qui marche en droite ligne, arrive à destination avant le lièvre...
Pour Descartes, donc, en matière de connaissances, il nous faut une méthode. Il laisse entendre, sans oser le dire trop ouvertement, que l'étude de celle-ci peut avantageusement remplacer les études traditionnelles, par exemple : la rhétorique. Étudier la rhétorique avant d'apprendre la bonne manière de raisonner, c'est mettre la charrue devant les boeufs. Dans un passage célèbre, Descartes écrit :
« Ceux qui ont le raisonnement le plus fort, et qui digèrent le mieux leurs pensées afin de les rendre claires et intelligibles, peuvent toujours le mieux persuader ce qu'ils proposent, encore qu'ils ne parlassent que bas breton, et qu'ils n'eussent jamais appris de rhétorique... »(12)
Mais où trouver une telle méthode et sur quoi la fonder? Descartes vit à une époque où les vieilles certitudes tombent les unes après les autres. Cette situation constitue une sorte de sous-texte au Discours de la méthode. Descartes ajoute à ce sous-texte quelques arguments classiques fondés sur la relativité de la perception et le fait qu'on puisse rêver tout en croyant être à l'état de veille, etc.
« Ce qui me faisait prendre la liberté, écrit Descartes, de juger par moi de tous les autres, et de penser qu'il n'y avait aucune doctrine dans le monde qui fût telle qu'on m'avait auparavant fait espérer. »(13)
Nous connaissons le reste du récit. Descartes cherche à débarrasser son esprit de toute opinion qui puisse être le sujet du moindre doute. A cette fin, il a recours au doute méthodique et hyperbolique, avec l'aide de l'hypothèse du Mauvais Génie : l'univers peut avoir été créé par un farceur cosmique qui s'amuse à nous faire accroire des choses fausses. Par de tels moyens, Descartes arrive donc à douter de presque tout: « la terre, le ciel, les astres, et toutes les autres choses que j'apercevais par l'entremise de mes sens »(14). Impossible, cependant, de douter de sa propre existence en tant que « chose qui pense »(15). C'est le cogito qui doit servir de fondement à tout le reste, de la même manière que toute la géométrie repose sur quelques axiomes indubitables.
Malheureusement, l'échafaudage que Descartes veut élever par la suite sur cette fondation, pour admirable qu'il soit, peut paraître à nous, lecteurs du 20e siècle, comme étant quelque peu « broche à foin » : l'existence du rescogitans, de la « chose qui pense », permet dans un premier temps de conclure à l'existence de Dieu. (Nous n'examinerons pas ici, cependant, le raisonnement employé à cette fin par Descartes.(16)) Dieu à son tour sert de garant de vérité aux « idées claires et distinctes »; celles-ci nous évitent à leur tour de nous embarrasser outre mesure des difficultés de la perception sensorielle, affectée comme elle peut l'être à l'occasion par des illusions d'optique et des hallucinations, car l'argumentation de Descartes nous amène en même temps à nous méfier des images « confuses » qui nous viennent des sens et de l'imagination : il n'y aura désormais que ce que la raison raisonnante reconnaîtra comme évident en soi qui sera reconnu comme vrai et réel. Chez Descartes, en effet, la raison n'admettra, côté matière, que les notions mathématisables : finies les couleurs, les textures, les odeurs, etc. Celles-ci, en effet, passent du côté du purement subjectif où elles ne figureront désormais qu'à titre de modifications de la conscience du sujet. Ne subsisteront dans l'objet matériel en tant que tel que des propriétés comme la forme géométrique et le nombre.
 
La recherche du « point archimédien » chez les post-cartésiens
Les successeurs de Descartes, dans leur très grande majorité, vont être amenés à adoucir et même dans certains cas à contester l'aspect intellectualiste et mathématisant de la pensée cartésienne. Locke, pour sa part, gardera le statut réduit accordé aux couleurs et aux autres qualités dites « secondes », mais mettra en doute ce qu'il appellera les « idées innées ». Hume, dans la même foulée, ira jusqu'à mettre en doute l'évidence du cogito : pour Hume le moi n'est qu'une manière parmi d'autres d'assembler les « idées » et les « impressions ». Kant aussi a eu d'importantes nuances à faire à ce sujet, et Peirce y va de sa propre théorie non cartésienne de la connaissance de soi, mais c'est là une histoire pour une autre fois.(17) La plupart des auteurs qui rejetteront le rationalisme cartésien vont quand même en conserver un élément fondamental : l'ambition de trouver un point de départ absolu, un point archimédien, sur lequel échafauder tout ce que nous pouvons réclamer comme faisant partie de notre savoir. Pour Descartes, nous l'avons déjà mentionné, ce point de départ, c'est le cogito, c'est aussi les « idées claires et distinctes ». Dans le cas d'empiristes comme Berkeley et Hume, ce point de départ, ce critérium de la connaissance vraie et indubitable, ce sera l'expérience brute, telle que ces philosophes supposent (mais à tort(18)) qu'elle se présente à la conscience, avant toute interprétation ou manipulation, avant tout « traitement des données » de la part de l'esprit : il s'agit de « sensations premières », du « purement senti »(19)... Ce que ses philosophies ont en commun, c'est la recherche d'un « point archimédien » comme fondement de toute démarche subséquente.
 
Le projet peircien
Peirce, pour sa part, finira par abandonner cette idée qu'il faille un tel « point de départ absolu » pour l'esprit. Revenant sur la notion de méthode, il se pose clairement la question : « Une méthode pour quoi faire? » De plus, il ne se contente pas d'examiner une méthode : sa nouvelle méthode, il la proposera dans le contexte d'une sorte de classification de toutes les méthodes possibles.
C'est dans « Comment se fixe la croyance »(20) et « Comment rendre nos idées claires »(21) que Peirce prend position radicalement contre Descartes et son héritage méthodologique. Publiés presque simultanément en français dans la Revue philosophique de la France et de l'étranger et en anglais dans le Popular Science Monthly, ces deux articles constituent les deux premières parties d'un ouvrage en six parties portant le titre : la Logique de la science. Or, qui dit « logique », entendue au sens large, dit « méthode ». Et le premier des six articles en question est un examen approfondi des quatre « méthodes » possibles pour « fixer la croyance ». Comme Descartes, donc, Peirce cherche une méthode « pour bien conduire la raison », et ce surtout « dans les sciences », mais non pas uniquement dans les sciences, comme nous le verrons.
Pour marquer la continuité qui existe entre le vieux projet cartésien et le sien, Peirce commence son ouvrage par une pointe d'ironie rappelant la première phrase du Discours de la méthode. Cette phrase nous l'avons déjà citée en partie; reprenons-la maintenant au complet :
« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils n'en ont. »(22)
Fait-on vraiment preuve de « bon sens » en n'en désirant pas avoir plus qu'on n'en a déjà? La pointe d'ironie de Peirce ne fait que reprendre celles de Descartes :
« On se soucie peu généralement d'étudier la logique, écrit Peirce, car chacun se considère comme suffisamment versé déjà dans l'art de raisonner. »(23)
Le parallèle est frappant : Personne, selon nos deux auteurs, ne met en question sa propre capacité à juger du monde qui l'entoure.
Descartes, dès sa première phrase, affirme que « chacun pense [...] être [...] bien pourvu [de bon sens] ». Il ajoute dans sa deuxième phrase, mettant brusquement un peu d'eau dans son vin, qu'en cela « il n'est pas vraisemblable que tous se trompent [...] »(24). Mais pour qu'il soit faux que tout le monde se trompe sur un point donné, il suffit d'un seul individu qui ait raison. Il ne s'ensuit pas que le bon sens se retrouve chez tout le monde. Avec ce constat, donc, Descartes ne risque pas gros. On est déjà loin de la « chose la plus partagée du monde »! Descartes poursuit, cependant, sur un ton quelque peu plus démocratique, en affirmant que « la puissance de bien juger [...] est naturellement égaleentous les hommes »(25). Mais à bien y regarder on constate qu'il s'agit d'un égalitarisme très circonspect : Descartes n'affirme pas ici, en effet, que l'opinion de l'un vaut l'opinion de tout autre; c'est bien plutôt la puissance de bien juger qui est égale en tous les hommes. Le point est subtil : on ne fait pas toujours ce qu'on a la « puissance » de faire. Même plus : Descartes n'affirme pas précisément que cette puissance est effectivement égale en tous les hommes; il affirme plutôt qu'elle est naturellement égale en tous les hommes. Il y a toute une différence : ce qui est naturellement égal peut devenir inégal par l'éducation et l'artifice. Dans l'indisposition de chacun à chercher à acquérir plus de bon sens qu'il n'en a, il ne faut donc pas voir l'indication d'une égalité intellectuelle réelle et effective de tous les hommes, mais bien plutôt le signe d'une égalité « en puissance ». La supériorité intellectuelle, là où elle existe, n'est donc pas un don de Dieu; elle n'est pas non plus un don de la Nature : elle est bien plutôt le résultat des efforts déployés par l'individu en vue de s'améliorer.(26)
Peirce, pour sa part, dès sa deuxième phrase, s'attache moins à tourner autour de cette question de l'égalité et de l'inégalité qu'à insister sur l'ironie de notre indisposition à étudier la logique : Si donc
« on se soucie peu [...] d'étudier la logique, [...] il est à remarquer, écrit Peirce, qu'on n'applique cette satisfaction qu'à son propre raisonnement sans l'étendre à celui des autres. »(27)
Ainsi chacun est d'avis qu'un bon cours de logique serait très salutaire, sans doute, mais pourles autres : chacun se dit que les autres auraient avantage à apprendre à être aussi rigoureux et perspicaces que lui! Il est, par contre, plutôt rare de trouver un individu qui soit conscient de manquer de suite dans ses propres idées!
 
Une méthode pour quoi faire?
Lorsque Alice, dans Alice au pays des merveilles, demande au chat par où il faut qu'elle se dirige, elle se fait répondre que tout dépend de l'endroit où elle veut aller.(28)  Quelle méthode devons-nous suivre? Tout dépend de ce que nous nous proposons de faire! Descartes, pour sa part, annonce une méthode « pour [...] chercher la vérité  ».
Mais cette vérité que nous cherchons, nous ne savons pas plus où elle se cache, ni à quoi elle ressemble qu'Alice ne sait où elle veut aller. Le mot « vérité », en somme, n'a pas, finalement, un sens clair et univoque : il ne fait que traduire l'insatisfaction que nous éprouvons face à l'état actuel de notre science. Alice veut aller quelque part. Mais où? Elle veut aller ailleurs! C'est-à-dire qu'elle ne veut plus rester là où elle se trouve. Nous cherchons dans les sciences. Nous faisons « de la recherche ». Soit. Mais que cherchons-nous, au juste? « La vérité! », nous répondra-t-on. Mais à quoi cette notion de vérité correspond-elle? Dans quelle sorte de circonstances ce mot nous vient-il à la bouche et à l'esprit? Réponse : Lorsque nos attentes sont démenties par les faits, lorsque nous ne sommes plus en mesure d'expliquer ce qui nous arrive. Nous nous faisions une certaine idée de la réalité. Cette idée a été battue en brèche. Nous ne nous sentons plus à l'aise dans notre demeure intellectuelle. Que faire? Nous déménagerons! Seulement, nous voudrions que ce fût pour la dernière fois : voilà le souhait contenu dans le mot « vérité ». La question se pose de savoir d'où on pourrait bien tenir une telle garantie.
Mais voilà que le mot est lâché : garantie. Or une garantie est toujours une garantie contre quelque chose. Dans le cas qui nous occupe, il s'agit d'être assurés que nous n'aurons pas à revivre le tracas d'un déménagement intellectuel : nous ne voulons plus connaître cette déception désagréable, cette insatisfaction qui nous y a poussés. Nous ne voulons pas être contraints, encore une fois, à abandonner une façon de penser, une façon de voir...
 
Le fond du problème, c'est le doute
Nous voyons donc que le fond du problème, ce n'est pas tant la vérité que le doute. C'est ce que Peirce a bien vu. Car c'est le doute qui nous donne envie de quitter une façon de voir et de nous installer dans une autre. Nous dirions même, avec plus de précision peut-être, que le doute « est » cette envie, cette conscience malheureuse dont nous ne voulons point :
« L'irritation produite par le doute, écrit Peirce, est le seul mobile qui nous fasse lutter pour arriver à la croyance. [...] La lutte commence avec le doute et finit avec lui. Donc, le seul but de la recherche est d'établir une opinion. On peut croire que ce n'est pas assez pour nous, et que nous cherchons non pas seulement une opinion, mais une opinion [qui soit] vraie. Qu'on soumette cette illusion à l'examen, on verra qu'elle est sans fondement. Sitôt qu'on atteint une ferme croyance, qu'elle soit vraie ou fausse, on est entièrement satisfait. »(29)
-- Une méthode pour quoi faire? avons-nous demandé. Pour « fixer » la croyance, répondra Peirce. Il s'agit d'une méthode pour combattre le doute : soit pour l'enrayer, dès qu'il surgira, soit pour empêcher qu'il ne surgisse, soit pour s'en accommoder de toute autre manière, s'il s'avère impossible de le faire disparaître tout à fait. Ce qu'il faut retenir, c'est que le doute « est un état de malaise et de mécontentement dont on s'efforce de sortir »(30). A ne pas confondre avec la conviction que telle ou telle proposition est fausse, car dans un tel cas nous avons affaire non pas au doute en tant que tel mais à une croyance en la vérité de la proposition contraire.(31) Le doute n'est pas un état de croyance mais désigne plutôt le fait de ne pas savoir, ou de ne plus savoir, quoi penser. Le fait de douter de quelque chose, en effet, n'autorise pas à affirmer le contraire, comme Descartes semble se l'imaginer dans certains passages de son texte.(32)
 
Conséquences pour la conception cartésienne de la méthode
Pour ce qui est du projet cartésien lui-même, voici maintenant ce qu'en dit Peirce :
« 1 Quelques philosophes ont imaginé que, pour entamer une recherche, il suffisait de formuler une question ou de la coucher par écrit. Ils ont même recommandé de commencer l'étude en mettant tout en question. Mais le seul fait de donner à une proposition la forme interrogative n'excite pas l'esprit à la lutte pour la croyance. Il doit y avoir doute réel et vivant [...]
« 2 C'est une idée commune qu'une démonstration doit se [reposer] sur des propositions irréductibles et absolument indubitables. Ces propositions sont, pour une certaine école des principes premiers universels, pour une autre des sensations premières. En réalité, une recherche, pour avoir ce résultat complètement satisfaisant appelé démonstration, n'a qu'à partir de propositions à l'abri de tout doute actuel. [...] »(33)
La méthode dite « de ténacité »
Si l'objectif que l'on se donne n'est que celui de « fixer » une opinion, et nous venons de voir que la recherche ne se donne pas d'autre objectif, à vrai dire, que celui-là, la première méthode que l'on songera à appliquer consistera sans doute à accepter
« comme réponse à une question tout ce qu'il nous plaira d'imaginer, en se le répétant, en insistant sur tout ce qui peut conduire à la croyance, et [à] s'exer[cer] à écarter avec haine et dédain tout ce qui pourrait la troubler »(34).
C'est la « méthode de ténacité ». Et c'est une méthode qui présente plusieurs avantages : surtout, elle est simple et directe :
« [...] Par-dessus tout, écrit Peirce, j'admire la méthode de ténacité pour sa force, sa simplicité, sa droite ligne. Ceux qui en font usage sont remarquables par leur caractère décidé, la décision devenant très [facile] avec une pareille règle intellectuelle. Ils ne perdent pas leur temps à examiner ce qu'il leur faut; mais saisissant, prompts comme l'éclair, l'alternative quelconque qui s'offre la première, ils s'y attachent jusqu'au bout, quoi qu'il advienne sans un instant d'irrésolution. Un tel caractère est un de ces dons splendides qu'accompagnent généralement des succès brillants et éphémères [...] »(35)
Mais le principal inconvénient de cette méthode réside, non pas dans le fait qu'elle nous amène à croire à des choses que les adeptes d'autres méthodes pourraient considérer comme « fausses » et « dangereuses pour la santé », mais bien plutôt dans le fait qu'elle ne réussit pas toujours à fixer nos croyances.
Pourquoi la « méthode de ténacité » échoue-t-elle en tant que méthode pour fixer la croyance? C'est que l'être humain a des « instincts sociaux » : c'est que l'individu finira par s'apercevoir que « d'autres hommes pensent [ou ont déjà pensé] autrement que lui »(36). À cause de l'instinct social, qui l'empêchera de déconsidérer tout à fait et en toutes circonstances l'opinion d'autrui, l'individu finira par se dire, dans un moment de faiblesse,
« que les opinions d'autrui sont aussi valables que les siennes; et cela ébranlera sa confiance en ce qu'il croit »(37).
Et le doute renaîtra.
 
La méthode dite « d'autorité »
Afin de pallier cette faiblesse, la solution la plus simple et la plus directe est d'éviter le contact avec des personnes qui risqueraient d'avoir des opinions différentes de celles que l'on a soi-même. Mais tout le monde n'est pas fait pour devenir ermite. Ce sont encore les mêmes instincts sociaux et d'autres facteurs qui font que nous ayons besoin les uns des autres. Une autre solution s'impose donc : il faut s'assurer que les personnes avec qui nous risquons d'entrer en contact aient les mêmes opinions que nous. Ainsi, les instincts sociaux n'auront plus ce pouvoir de faire renaître le doute, une fois la croyance fixée. Peirce écrit:
« Qu'on substitue la volonté de l'État à celle de l'individu; qu'on crée des institutions ayant pour objet de maintenir les doctrines orthodoxes présentes à l'esprit des peuples, [...] de les enseigner à la jeunesse; que la loi ait en même temps le pouvoir d'empêcher l'enseignement, l'apologie ou l'expression des doctrines contraires; qu'on écarte toutes les causes qui puissent faire appréhender un changement d'idées [...] »(38)
On relira, à ce propos, le roman 1984 de George Orwell.(39) Dans l'état de choses imaginé par cet auteur, l'État fait discrètement disparaître tout individu qui, à voix haute, se pose des questions qui risquent d'éveiller le doute chez les autres.
« Pour la grande masse des hommes, écrit Peirce, avec un degré d'ironie qu'il est cette fois difficile d'évaluer, il n'y a peut-être pas de méthode meilleure. »(40) Mais ce qui vaut pour « la grande masse », ne vaut pas nécessairement pour tout le monde. Même dans l'anti-utopie d'Orwell, le principal protagoniste finit par se rendre compte que les choses n'ont pas toujours été comme elles le sont. Certains « hommes », écrit Peirce,
« ont une sorte d'instinct social plus large; ils voient que les hommes en d'autres pays et dans d'autres temps ont professé des doctrines fort différentes de celles qu'ils ont eux-mêmes été élevés à croire. Ils ne peuvent s'empêcher de remarquer que c'est par hasard qu'ils ont été instruits comme ils [l'ont été] [...] »(41)
Et le doute renaîtra.
Le « Grand Frère » de 1984 n'est pas dépourvu de moyens pour prévenir de telles défaillances du système : l'État se charge même de modifier l'histoire écrite. Dans le roman d'Orwell, de nombreux fonctionnaires n'ont d'autre tâche que celle de trafiquer les anciens numéros des périodiques, pour que la politique du jour puisse paraître comme la politique de toujours. Il ne faut pas qu'un lecteur curieux puisse faire des comparaisons désobligeantes entre des déclarations faites aujourd'hui par les autorités publiques et celles faites par les mêmes autorités publiques un ou deux ans auparavant, à une époque où les alliances entre les grandes puissances n'étaient pas ce qu'elles sont aujourd'hui, par exemple. Quant aux livres, surtout les vieux livres, dans l'anti-utopie d'Orwell, leur possession est carrément interdite et leurs possesseurs sont voués à une prompte disparition. Difficile donc, dans les circonstances, de se rendre compte des différences qui existent entre « maintenant » et « jadis », entre « ici » et « ailleurs ». Il n'en reste pas moins que, dans le roman d'Orwell, le principal protagoniste finit par se douter de quelque chose, il finit par mettre la main sur des livres, etc. (Il peut encore les lire, l'abêtissement provoqué par les progrès du Novlangue (« Newspeak ») n'ayant pas encore suffisamment atteint notre héros pour que les anciens textes lui soient inintelligibles...) Il y aura donc toujours -- espérons-le du moins! -- des individus pour qui les deux premières méthodes ne résoudront pas tous les doutes.
De plus, comme le souligne Peirce, même pour « la grande masse », même aux époques qui ne sont pas touchées par une crise de civilisation ou des valeurs, la méthode d'autorité ne saurait suffire, car « nul système ne peut embrasser la réglementation des opinions sur tout sujet »(42); leur diversité et leur nombre sont trop grands.
 

Raisons de la faiblesse des deux méthodes précédentes

Mais avant de considérer ce que peut être cette troisième méthode, réfléchissons un peu sur la faiblesse des deux méthodes précédentes. Comme facteur de doute, nous avons repéré surtout la prise de conscience du fait que c'est le hasard qui a fait que nous croyions ce que nous croyons. Or les méthodes de ténacité et d'autorité sont justement des méthodes qui consistent essentiellement à « [faire] naître une tendance à croire », mais qui laissent le choix et le contenu des propositions qu'il faut croire essentiellement au hasard; ce sont des méthodes qui s'emploient surtout à m'empêcher de me rendre compte de ce qu'il peut y avoir d'arbitraire dans mes opinions. Peirce écrit :
« Adhérer obstinément à une croyance et l'imposer arbitrairement aux autres sont donc deux procédés qu'il faut abandonner, et pour fixer les croyances on doit adopter une nouvelle méthode qui [...] détermine [...] quelles propositions il faut croire. »(43)
 

La méthode a priori ou « des inclinations »

L'autocontrainte et la contrainte étatique ayant échoué, la nouvelle méthode consistera à adopter une attitude un peu plus libérale : elle consistera à « abandonner l'esprit humain à l'action des causes naturelles»(44) Peirce propose :
« Qu'on laisse donc agir sans obstacle les préférences naturelles; sous leur influence, les hommes, échangeant leurs pensées et considérant les choses de points de vue divers, développeront graduellement des croyances en harmonie avec les choses naturelles. »(45)
Cette nouvelle méthode, dite « méthode apriori », consiste essentiellement à adopter une proposition si, et uniquement si, elle paraît « agréable à la raison ». Il s'agit de la méthode employée par la très grande majorité des philosophes. Peirce en mentionne plusieurs. Descartes ne figure pas parmi les exemples cités. Ç'aurait été superflu. Paraître « agréable à la raison » et paraître « clair et distinct », c'est du pareil au même. Dans « Comment rendre nos idées claires », Peirce se penchera sur cette notion de clarté...
 

Les faiblesses de la méthode a priori

Mais revenons à la méthode a priori. Peirce affirme que celle-ci « est bien plus intelligente et bien plus respectable aux yeux de la raison qu'aucune de celles mentionnées précédemment »(46). Il enchaîne en ajoutant que l'insuccès n'en a été que « plus manifeste »! Pourquoi? C'est qu'elle « fait de l'investigation quelque chose de semblable au goût développé »(47) et, partant, « une affaire de mode »(48). Voilà « pourquoi les métaphysiciens n'ont jamais pu arriver à aucun accord solide »(49).
Analysons un peu plus avant cette faiblesse. Peirce écrit :
« Nous avons considéré cette méthode apriori comme un procédé qui promettait de débarrasser nos opinions des éléments accidentels et arbitraires; mais l'évolution [des idées sous l'influence de l'échange de points de vue], si elle tend à éliminer les effets de quelques circonstances fortuites, ne fait qu'augmenter ceux de certaines autres. Cette méthode ne diffère donc point d'une manière très essentielle de la méthode d'autorité. »(50)
Encore une fois, nous constatons que le contenu de l'opinion que nous avons voulu « fixer » échappe au contrôle de notre « méthode », qui se résume à une méthode de gestion d'un contenu arbitrairement donné et modifiable uniquement à l'intérieur de certaines limites. Ce qu'il nous faut donc c'est une méthode qui détermine le contenu de nos croyances. Cette quatrième méthode est celle que Peirce qualifiera de « scientifique ».
La méthode dite « scientifique »
« Pour mettre fin à nos doutes, écrit Peirce, il faut donc trouver une méthode grâce à laquelle nos croyances ne soient produites par rien d'humain, mais par quelque chose d'extérieur à nous et d'immuable, quelque chose sur quoi notre pensée n'ait point d'effet. Quelques mystiques s'imaginent trouver une méthode de ce genre dans une inspiration personnelle d'en haut. Ce n'est qu'une forme de la méthode deténacité [...] Ce quelque chose d'extérieur et d'immuable dont nous parlons ne serait pas extérieur, à notre sens, si l'influence en était restreinte à un [seul] individu. Ce doit être quelque chose qui agisse ou puisse agir sur tous les hommes. Bien que ces actions soient nécessairement aussi variables que la condition des individus, la méthode doit pourtant être telle que chaque homme arrive à la même conclusion finale. Telle est la méthodescientifique.
« Son postulatum fondamental, poursuit Peirce, traduit en langage ordinaire est celui-ci : Il existe des réalités dont les caractères sont absolument indépendants des idées que nous pouvons en avoir. Ces réalités affectent nos sens suivant certaines lois, et bien que nos [sensations(51)] soient aussi variées que nos relations avec les choses, en nous appuyant sur les lois de la perception, nous pouvons [nous informer(52)], en nous aidant du raisonnement, [sur le caractère réel des choses(53)]; et tous les hommes, pourvu qu'ils aient une expérience suffisante et qu'ils raisonnent suffisamment sur [ces] données, seront conduits à une seule et même conclusion. »(54)
Voilà donc une conception de la science quelque peu différente de celle qui nous est proposée par Descartes, du moins dans les déclarations « officielles » qu'il fait à ce sujet. Si, par contre, nous examinions la pratique scientifique de Descartes, nous constaterions très possiblement que, dans les faits, ses activités scientifiques se conforment au modèle scientifique proposé par Peirce. La Dioptrique serait peut-être un exemple parfait de l'intérêt que Descartes portait à l'interaction des lois de la physique et des lois de la perception.
Soulignons ici que la méthode scientifique (version peircienne), ne constitue pas un désaveu de la méthode apriori, au contraire de ce que nous avons vu pour cette troisième méthode par rapport aux deux premières. Cette quatrième méthode comporte deux volets : nous la suivons « en nous aidant du raisonnement » aussi bien qu'« en nous appuyant sur les lois de la perception », avec comme postulat qu'« il existe des réalités ». C'est un peu bref, il faut l'avouer. Peirce l'avoue lui-même. « Comment se fixe la croyance » n'est que le premier de six articles consacrés à la description de cette méthode scientifique : « To describe the method of scientific investigation is the object of this series of papers. »(55)
 

Les quatre méthodes en résumé

Résumons donc ce catalogue des quatre méthodes pour fixer la croyance. A cette fin, essayons d'imaginer comment l'adepte de chacune de ces quatre méthodes se prendrait pour déterminer quel temps il fait dehors.
L'adepte de la méthode de ténacité se choisira -- je suis tenté de dire « au hasard » -- une opinion. Il se dira, par exemple, que ça lui ferait de la peine de concevoir, en matière de conditions météorologiques, autre chose qu'un beau temps ensoleillé. Il fait beau : voilà ce que je veux croire. J'y croirai donc.(56) Ensuite, notre « tenace » cherchera à renforcer l'image qu'il s'est faite du temps qu'il fait par toutes sortes de stratagèmes. Il pourra, par exemple, se chanter à lui-même une chanson comme : « You are my sunshine, my only sunshine! » ou encore : « Quand le soleil dit bonjour aux montagnes ». Il pourra aussi se faire un dessin d'un beau paysage avec un beau soleil. Il évitera certainement de fréquenter les pessimistes et les grognons connus de son entourage -- c'est-à-dire, s'il ne vit pas déjà en ermite! De même, il évitera d'écouter la radio et la télévision. Finalement, il évitera de s'aventurer dehors ou de regarder par la fenêtre.
Un groupe ayant opté pour la méthode d'autorité, par contre -- et il faut bien sûr que ce soit un groupe; un individu agissant seul n'est pas en mesure d'avoir recours à cette méthode -- se fera une règle quant à ce qu'il faut et quant à ce qu'il ne faut pas dire au sujet du temps qu'il fait. Les contrevenants seront exclus du groupe, mis à l'amende, envoyés au bûcher ou oubliés lors de la prochaine ronde d'avancements et de promotions.
L'adepte de la méthode a priori, pour sa part, pourra agir seul ou avec l'aide d'autres personnes, comme ça lui plaira. Il engagera une série de réflexions sur le temps qu'il pourrait bien faire, ainsi que sur les raisons qui militent pour et contre chacune des possibilités retenues. Il optera pour la solution la plus « raisonnable », la plus « vraisemblable », la plus « agréable à la raison ». S'il en ressent le besoin, il en parlera avec ses amis et collègues et, après mûre réflexion, décidera s'il y a lieu de tenir compte de leurs commentaires et objections. Il pourra même songer à publier sous forme d'article ou de livre le résultat de ses démarches. Les collègues qui n'étaient pas d'accord avec sa façon de traiter le sujet ou sa façon de représenter leurs contributions au débat pourront choisir de publier des répliques, et notre premier chercheur pourra se sentir l'envie de répliquer à son tour. Dans tout cela, on peut être certain d'une chose, cependant : les conditions atmosphériques auront changé plusieurs fois avant que ces réflexions n'aboutissent, si toutefois elles finissent par aboutir.
L'adepte de la méthode scientifique, enfin, cherchera à se mettre dans une situation où les conditions météorologiques pourront affecter ses sens et, partant, son opinion. Dans ce cas, il s'agit tout simplement d'aller dehors -- ou seulement à la fenêtre -- et d'ouvrir les yeux! S'il fait jour, il pourra constater si le ciel est bleu et s'il y a des nuages. Les lois de la perception, les rayons lumineux en provenance du ciel et les réactions de sa rétine et de son système nerveux se chargeront de lui faire une idée là-dessus. Ses oreilles l'aideront à constater certains autres effets (le hurlement du vent, le « bruit doux de la pluie », etc.), ou l'absence de ces effets, selon le cas. Ses récepteurs dermiques, pour leur part, réagiront à des stimuli dus à la température de l'air ambiant, aux mouvements de l'air, aux radiations solaires, etc.
Soulignons aussi que le doute qui nous chatouille ou qui nous assaillit est toujours relatif à l'urgence du manque d'informations que l'on ressent. Peut-être notre « chercheur » se demande-t-il tout simplement s'il faut mettre un manteau et des gants avant de sortir, ou un écran solaire, ou s'il faut aller chercher le parapluie dans le placard. En cas d'erreur, il ne risque pas gros. Le cas n'est plus le même, par contre, si notre « chercheur » veut savoir si le moment est propice pour sortir du havre avec son bateau de pêche. Dans un tel cas, le coup d'oeil rapide ne suffira pas. On regardera certes le ciel et on se servira de ses sens pour apprécier la direction et la force du vent, mais on voudra sans doute aussi écouter à la radio les rapports sur les conditions atmosphériques et l'état de la mer qui prévalent à divers endroits de sa région. Ici, il peut faire beau, mais à une courte distance d'ici on peut rencontrer vent, brouillard, mer agitée, embruns verglaçants, etc. Il peut aussi faire très beau en ce moment, mais cela risque de ne plus être le cas d'ici quelques heures. Et, d'ici quelques heures, s'il sort du havre, il se retrouvera en haute mer... Avant de lever l'ancre, notre marin écoutera donc les prévisions de la météo marine et il consultera les instruments dont il dispose : thermomètre, anémomètre, baromètre, etc. Ces appareils sont conçus afin de rendre visibles certains aspects de la réalité qui nous intéressent. La personne qui consulte son baromètre, par exemple, se met dans une situation où la pression atmosphérique et la tendance à la baisse ou à la hausse de celle-ci pourront produire un effet très particulier sur l'opinion qu'il peut se faire sur la stabilité des conditions atmosphériques actuelles...
C'est ici que l'aspect « communautaire » de la méthode scientifique ressort très clairement. Le fait d'écouter à la radio les rapports des conditions atmosphériques consiste à se mettre en rapport avec les observations d'autres personnes. Le fait d'avoir recours à un instrument, c'est cueillir le fruit des « recherches » d'autrui. Les instruments, dit-on, sont des matérialisations de théories ou de lois scientifiques. Celles-ci sont le plus souvent le fruit de recherches motivées par la conscience aiguë où d'autres chercheurs étaient quant aux imperfections d'une certaine façon de comprendre les phénomènes naturels que leurs travaux ont fini par reléguer aux oubliettes, à la poubelle de l'histoire des idées. Et pour ce qui est d'écouter les prévisions météorologiques, il s'agit là de faire confiance (dans une certaine mesure et faute de mieux) aux modèles que nos météorologues ont longuement médités, élaborés, essayés, revus et corrigés, leur permettant de voir des liens entre un ensemble d'observations déjà faites et un ensemble d'observations encore à venir.
 
En guise de conclusion
La différence fondamentale entre le projet cartésien et la version peircienne de la méthode scientifique se ramène à ceci : Le cartésien cherche à fonder les connaissances sur quelque chose, en partant de zéro -- alors que le projet peircien (version « scientifique ») cherche plutôt à corriger les opinions existantes, et à bien orienter nos efforts en vue de les corriger, lorsque le doute surgira, comme il ne manquera pas de faire sur beaucoup de points. Mais le projet peircien ne recommande pas pour autant l'attente passive; il recommande aussi d'aller au-devant du doute et de chercher à le provoquer, en cherchant des occasions pour confronter aux observations effectives que l'on peut faire dans le cadre d'une expérience structurée les attentes qui découlent de nos idées et de nos croyances.
Le cartésien, pour sa part, est convaincu qu'on peut trouver un point de départ assuré, où l'esprit, pour ainsi dire, entre « en contact » avec la vérité. Par la suite, il s'agit, pour le cartésien, de ne pas faire de fausse manoeuvre et de ne pas « perdre » ce contact. On cherche ainsi à appliquer aux sciences dans leur ensemble une démarche qui semble avoir très bien réussi pour la géométrie d'Euclide. Dans cette géométrie, le « contact direct » avec la vérité se fait dans les « axiomes », que l'on considère comme des propositions dont la vérité serait tout simplement « évidente ». Par la suite, en passant d'une ligne à l'autre de chaque démonstration successive, il s'agit de n'employer que des formes de raisonnement dont l'évidence est égale à celle des axiomes de départ. Le résultat final (le théorème) n'aura donc pas un degré de certitude moindre que le point de départ.
Mais que faut-il penser de ce modèle cartésien? Comme première objection, on peut répondre que l'existence de nombreuses géométries non euclidiennes constitue une preuve éclatante que l'on se trompait en voyant dans les axiomes de la géométrie des « vérités évidentes en soi » ou des « certitudes absolues ». Le mathématicien du 20e siècle sait très bien que les « axiomes » peuvent même être faux. En effet, dans une vision plus moderne et plus relativisée des mathématiques, les axiomes sont considérés comme des points de départ provisoires, plus ou moins arbitraires, que l'on analyse afin de voir quelles seraient les conséquences nécessaires de leur adoption définitive. Les cartésiens ont donc mal interprété le modèle mathématique qu'ils cherchaient à imposer à la recherche.
Une deuxième objection à la démarche cartésienne, c'est que, même si l'interprétation que cette dernière a voulu donner du « succès » de la géométrie n'avait pas eu le défaut que nous venons de signaler, il n'en demeurerait pas moins qu'on fait preuve de témérité en voulant appliquer à toutes les recherches une méthode qui ne convient peut-être qu'aux seules mathématiques.
Rien n'autorise donc à croire qu'il existe des axiomes « absolus » dans quelque domaine que ce soit. On ne commence pas, et on ne peut pas commencer, par être « en tranquille possession de la vérité ».
La recherche ne commence que lorsqu'on constate que notre vision des choses présente des failles; elle ne commence que lorsqu'il y a constat d'erreur ou d'énigme. Aucune question ne se pose avant que le doute ne surgisse.
Dès l'apparition du doute, la méthode scientifique peircienne ne recommande pas, comme le fait la démarche cartésienne, de battre en retraite stratégique vers quelque point de départ absolu qui soit à l'abri de tout doute possible, car de tels points de départ absolus n'existent pas. La méthode scientifique peircienne recommande plutôt de chercher le moyen de s'exposer à l'influence des « réalités » de la situation, afin de se faire une nouvelle opinion, qu'on espère plus solide. La vérité (contrepartie cognitive de la notion de « réalité »), ce n'est plus, comme dans l'optique cartésienne, ce à partir de quoi on bâtit, c'est, dans l'optique peircienne, ce vers quoi on tend, à certaines conditions. Ce à partir de quoi on bâtit, dans l'optique peircienne, ce n'est pas la vérité : c'est l'erreur. Ce sont les attentes que nous avions face au monde qui ont été déçues et qui ont fait surgir nos premiers doutes.
En 1871, Peirce écrivait déjà :
« ... Toute pensée humaine, toute opinion, comporte un élément arbitraire et accidentel, en fonction des limitations des circonstances, du pouvoir et des dispositions de l'individu; il s'agit en somme d'un élément d'erreur. Mais, à la longue, l'opinion humaine tend universellement vers une forme définie, qui est la vérité. Si un homme dispose de suffisamment d'information et qu'il exerce suffisamment sa pensée sur une question donnée, il en résultera qu'il en arrivera à une conclusion bien déterminée,(57) qui est la même que celle à laquelle parviendrait une autre intelligence dans des circonstances suffisamment favorables. Soit deux hommes, dont l'un est sourd et l'autre aveugle. L'un entend quelqu'un qui annonce son intention de tuer une autre personne, il entend le coup de pistolet, il entend le cri de la victime; l'autre homme voit le crime en train de s'accomplir. Les sensations de ces deux hommes sont affectées au plus haut point par leurs particularités individuelles. Les premières informations que ces sensations donneront à ces deux hommes, [par contre,] leurs premières inférences, vont présenter une plus grande ressemblance entre elles, tout en étant encore [assez] différentes : l'un, à titre d'exemple, ayant l'idée d'un homme qui hurle, l'autre celle d'un homme au regard menaçant; mais les conclusions qu'ils en tireront en fin de compte, [dans] cette partie de leurs pensées qui est la plus éloignée de la sensation, seront identiques et dépourvues de ce caractère partiel et partial(58) de leurs singularités. Il existe, donc, à toute question une réponse vraie vers laquelle l'opinion de tout homme gravite constamment. Il pourra, pendant un certain temps, s'en éloigner, mais qu'on lui donne plus d'expérience et plus de temps : il finira par s'en approcher. L'individu ne vivra peut-être pas assez longtemps pour atteindre la vérité; il y a un résidu d'erreur dans les opinions de chacun. Peu importe : il n'en demeure pas moins qu'il y a une opinion bien déterminée vers laquelle l'esprit humain tend, dans l'ensemble et à la longue. [...] »(59)
Adopter la méthode scientifique, c'est se rendre compte que nos attentes sont éminemment corrigibles. On peut les corriger individuellement, ou par grappes. Et c'est cette volonté de les corriger qui définit, pour nous, ce qu'est la vérité : celle-ci, pour le peircien, n'est jamais « donnée », elle est toujours « à atteindre ». Selon Peirce, il n'y a que la méthode scientifique qui permette une telle conception : il n'y a que la méthode scientifique, en effet, qui permette de faire la distinction entre l'opinion que je suis en ce moment disposé à défendre et celle que nous finirons tous par être contraints d'adopter si nous acceptons sincèrement de suivre cette méthode pendant une période indéterminée. Il n'y a pas de point archimédien. Il n'y a pas de seul et unique point de départ. C'est la destination qui est la même. La vérité, dans la vision peircienne, est une sorte de point asymptotique : un point de convergence.

 



 
 

NOTES

1. C'est, notamment, l'opinion d'Alain (1868-1951) qui écrit dans Idées : « Nous devons apprendre ce pieux retour, qui est penser, et savoir dire aussi : "Notre père, Descartes." », tiré d'un extrait des Idées, publié à titre d'« Introduction » au Discours de la méthode, commentaires et notes de Jean-Marie BEYSSADE, le Livre de poche, 1973, p. 11.  Retour

2. Beyssade mentionne Montaigne (Essais, 1580-1605) et Scipion Dupleix (Cours complet de philosophie, 1602). Voir son commentaire sur le Discours de la méthode, page 111. Beyssade ne mentionne pas Pierre Charron (1541-1603) auteur de la Sagesse, mise à l'Index en 1605 et Guillaume Du Vair (1556-1621), auteur d'un Traité de la Constance et de la Consolation ès Calamitès Publiques et d'une Exhortation à la Vie Civile. Voir les articles de Michèle Monjo sur Charron et Du Vair dans [collectif,] Dictionnaire des philosophes, publié sous la direction de Denis HUISMAN, PUF, 1984. Curieusement, Scipion Dupleix ne figure pas dans le Dictionnaire de Huismans.  Retour

3. Alors que les anglophones, pour leur part, auraient une attitude beaucoup plus « pragmatique ». Je soupçonne que cette mythologie est plutôt récente et qu'au 18e siècle les Français ne se targuaient pas d'être des cartésiens, et ne se faisaient pas traiter de l'être non plus! C'est plutôt l'héritage du droit romain que l'influence de Descartes qui détermine les attitudes des Français en matière juridique. On oublie sans doute aussi que les Français sont tout aussi proustiens et pascaliens que cartésiens, et qu'ils tirent autant de fierté de leur « esprit de finesse » que de leur « esprit de géométrie ». Blaise Pascal (1623-1662), à qui nous devons ces deux derniers termes, est un contemporain de Descartes, anti-cartésien à bien des égards -- et un mathématicien tout aussi célèbre que celui-ci, soit dit en passant.  Retour

4. Ajoutons que Peirce s'est senti contraint par la suite, ayant vu ce que James et d'autres avaient fait de son « bébé », de changer le nom de sa propre doctrine et de l'appeler désormais « pragmaticisme », afin de la différencier du « pragmatisme » de James. Il estimait que le nouveau nom dont il affublait sa doctrine était suffisamment laid pour qu'aucun « littérateur » ne songe à se l'approprier.   Retour

5. Robert Marty, L'Algèbre des signes : Essai de sémiotique scientifique d'après Charles Sanders Peirce, vol. 24 dans la série "Foundations of Semiotics" sous la direction générale d'Achim Eschbach, Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins Publishing Company, 1990, p. ix. Pour une bonne introduction générale aux contributions de Peirce à la théorie des signes, voir Charles S. Peirce, Écrits sur le signe, rassemblés, traduits et commentés par Gérard Deledalle, Paris, Seuil, 1978.  Retour

6. Pour les mathématiques, voir Charles S. Peirce, The New Elements of Mathematics, edited by Carolyn Eisele, 4 tomes (5 volumes), La Haye/Paris, Mouton, 1976. Cet ouvrage comporte près de 4.000 pages...    Retour

7. Quatre ans plus tard, en août 1641, Descartes publiera, cette fois-ci en latin, ses Meditationes de prima philosophia. Le Discours de la méthode sera publié en latin dès 1644; Les Méditations métaphysiques paraîtront en traduction française dès 1647. On ne peut donc pas affirmer que Descartes boudait le latin des doctes.  Retour

8. Descartes, Discours de la méthode, dans René Descartes, Oeuvres et lettres, textes présentés par André Bridoux, Paris, Gallimard, collection « Bibliothèque de la Pléiade », 1953, p. 126. Dans les références subséquentes au Discours, ainsi qu'aux autres oeuvres de Descartes, les numéros de pages renvoient à cette édition. Retour

9. Dans l'Épître dédicatoire aux Principes de philosophie (1644), Descartes reconnaîtra expressément que « l'entendement de quelques-uns n'est pas si bon que celui des autres » (Oeuvres et lettres, p. 554). Retour

10. Discours, p. 126.  Retour

11. IbidemRetour

12. Ibidem, p. 129-130.  Retour

13. Ibidem, p. 128.  Retour

14. Méditations, p. 285.  Retour

15. Ibidem, p. 278.  Retour

16. Il s'agit, soit dit en passant, d'un tour de passe-passe qui nous paraît à nous lecteurs du 20e siècle comme indigne d'un mathématicien-philosophe épris de rigueur et de certitude.  Retour

17. Au sujet de la connaissance de soi chez Peirce, voir Crombie, « L'Homme-signe et la conscience de soi », dans Semiotics and Pragmatics: Proceedings of the Perpignan Symposium, publiés sous la direction de Gérard Deledalle, vol. 18 dans la série "Foundations of Semiotics" sous la direction générale d'Achim Eschbach, Amsterdam / Philadelphia, John Benjamins Publishing Company, 1989, p. 215-229. Voir aussi Crombie, « Peirce on Our Knowledge of Mind: A Neglected Third Approach », dans Two Centuries of Philosophy in America, recueil publié sous la direction de Peter CAWS, dans la collection « American Philosophical Quarterly Library of Philosophy », Oxford, Basil Blackwell, 1980, p. 77-85, et Vincent Michael COLAPIETRO, Peirce's Approach to the Self, Albany (New York), State University of New York Press, 1989. Pour les « nuances » formulées par Kant, voir les notes du début de « Peirce on Our Knowledge of Mind: A Neglected Third Approach ». Les idées de Peirce sur la connaissance de soi semblent bien avoir été fortement influencées par celles du philosophe allemand.  Retour

18. Voir à ce sujet le deuxième chapitre de Crombie, Thomas Reid's Theory of Immediate Perception, thèse de doctorat, University of Waterloo, Waterloo (Ontario), 1979; voir aussi « L'Abandon chez Thomas Reid des idées modernes en théorie de la connaissance », Revue de l'université de Moncton, vol. 11 (1978), p. 65-78.  Retour

19. Paradoxalement, de Malebranche à Destutt de Tracy, le terme communément employé pour désigner les éléments du « purement senti » sera « idée », malgré que les consonances « intellectuelles » de ce vocable suggèrent pour lui une toute autre vocation. Retour

20. Publié en français en 1878 dans la Revue philosophique de la France et de l'Etranger, vol. 6, p. 553-569. Sauf indication contraire, nous citerons cet article d'après le texte établi par Joseph Chenu (Peirce, Textes anticartésiens, présentation et traduction de Joseph Chenu, Paris, Editions Aubier-Montaigne, dans la collection « Philosophie de l'esprit », 1984, p. 267-286. Le texte français de cet article est également disponible dans le deuxième volume des Writings of Charles Sanders Peirce: A Chronological Edition, sous la direction de Christian J. W. Kloesel, Bloomington, Indiana University Press, 1982 (vol. 1), 1984 (vol. 2), 1986 (vol. 3). Titre abrégé : « Croyance ».   Retour

21. Publié en français en 1879 dans la Revue philosophique de la France et de l'Etranger, vol. 7, p. 39-57. Voir la note précédente.  Retour

22. Discours, p. 126.  Retour

23. « Croyance », p. 267.  Retour

24. Discours, p. 126; c'est moi qui souligne. Retour

25. Ibidem; c'est moi qui souligne. Retour

26. L'élite de droit divin n'a donc pas à craindre pour ses privilèges : Descartes ne fait que les métamorphoser en privilèges de l'élite de mérite personnel. Descartes a beau publier en langue vulgaire et proclamer une certaine égalité entre les hommes. Son Discours annonce plutôt la technocratie que la démocratie.  Retour

27. « Croyance », p. 267.  Retour

28. Voir les Complete Works of Lewis Carroll, with an introduction by Alexander WOLLCOTT and the illustrations by John TENNIEL, Penguin Books, 1982, 1988; ©Nonesuch Press, 1939, p. 64-65.   Retour

29. « Croyance », p. 275.  Retour

30. Ibidem, p. 274.  Retour

31. Nous avons affaire, plus précisément, à une croyance en la vérité d'une proposition qui est la négation de celle que nous croyons fausse. (La différence entre le contraire d'une proposition et sa négation peut être très importante en d'autres contextes...)  Retour

32. Au début de la Quatrième Partie du Discours, par exemple, Descartes écrit : « [M]ais pour ce qu'alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu'il fallait que [...] je rejetasse comme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute » (p. 147).  Retour

33. Ibidem, p. 275-276. Pas de virgule après « école » dans l'édition de Chenu.  Retour

34. Ibidem, p. 276.  Retour

35. Ibidem, p. 285.  Retour

36. Ibidem, p. 278.  Retour

37. IbidemRetour

38. IbidemRetour

39. George ORWELL, 1984, traduit de l'anglais par Améliée AUDIBERTI, Gallimard, 1950; disponible dans la collection « Livre de Poche », 1964. Publié en anglais en 1949; réédité dans la collection « Penguin Modern Classics » à plusieurs reprises depuis 1954.   Retour

40. Ibidem, p. 279.  Retour

41. Ibidem, p. 280.  Retour

42. Ibidem, p. 279-280.  Retour

43. Ibidem, p. 280.  Retour

44. IbidemRetour

45. Ibidem; le premier point-virgule est remplacé par une virgule dans la version du texte établie par Chenu. Le texte des Writings of Charles S. Peirce, vol. 3 (Bloomington, Indiana University Press, 1986), met un point-virgule. Voir à la page 349.  Retour

46. Ibidem, p. 281.  Retour

47. IbidemRetour

48. IbidemRetour

49. IbidemRetour

50. IbidemRetour

51. Dans le texte tel qu'établi par Chenu, nous lisons : « bien que nos relations soient aussi variées que nos relations avec les choses ... » (c'est moi qui souligne.). Le texte anglais (Writings, vol. 3, p. 254) donne « sensations ». Les éditeurs des Writings signalent, cependant, qu'ils ont substitué « sensations » à « relations » dans le texte français. Cf. Writings, vol. 3, p. 351 et 363.  Retour

52. En anglais : « we can ascertain ... ». Le texte français de Peirce (tant dans la version donnée par Chenu que dans celle des Writings) donne : « nous pouvons connaître avec certitude ... ». La différence de sens entre « ascertain » et « connaître avec certitude » est tellement grande qu'il faut croire que c'est une autre main que celle de Peirce qui serait responsable de cette partie du texte. Pourquoi cette erreur de traduction n'est-elle pas indiquée avec les autres dans les « Editorial Notes » (cf. Writings, vol. 3, p. 531-533)?  Retour

53. Dans le texte français : « connaître [...] comment les choses sont réellement ». En anglais : « ascertain [...] how things really are » (Writings, vol. 3, p. 254).  Retour

54. Ibidem, 282.  Retour

55. Writings, vol. 3, p. 254. Le texte français ici ne rend pas tout à fait l'intention de Peirce : « Le but de ce travail est de décrire l'investigation scientifique » (ibidem, p. 283).  Retour

56. Mais attention ici : il ne faut pas que notre « tenace » s'explique trop là-dessus, même en ne parlant qu'à lui-même! Car il risquerait ainsi de tomber dans la méthode a prioriRetour

57. Dans le texte anglais : « he will arrive at a certain definite conclusion ».  Retour

58. Dans le texte anglais : « the one-sidedness ».  Retour

59. Peirce, Review of The Works of George Berkeley, dans Writings, vol. 2 (1984), p. 468-469. C'est moi qui traduis.  Retour
 
 
 



 
 

OEUVRES CITÉES






ALAIN, Extrait des Idées publié à titre d'introduction à Descartes, Discours de la méthode, commentaires et notes par Jean-Marie BEYSSADE, Le Livre de Poche, 1973, pages 5-11.
 

Jean-Marie BEYSSADE, « Commentaires » dans Descartes, Discours de la méthode, commentaires et notes par Jean-Marie BEYSSADE, Le Livre de Poche, 1973, pages 111-146.
 

René Descartes, Discours de la méthode pour bien conduire sa raison, et chercher la vérité dans les sciences (1637) dans Oeuvres et lettres, p. 125-179.
 

René Descartes, Meditationes de prima philosophia (1641).
 

René Descartes, Les Méditations métaphysiques (1647), traduction française des Meditationes de prima philosophia de 1641, traduction revue, corrigée et quelque peu remaniée par Descartes lui-même, dans Oeuvres et lettres, p. 257-547. Titre abrégé : Méditations.
 

René Descartes, Oeuvres et lettres, textes présentés par André Bridoux, Paris, Gallimard, collection « Bibliothèque de la Pléiade », 1953.
 

Charles Sanders Peirce, Review of The Works of George Berkeley, publié pour la première fois dans The North American Review, vol. 113 (1871), p. 449-472; nous utilisons le texte tel qu'il paraît dans Writings, vol. 2, p. 462-487. Titre abrégé : « Review of Berkeley ».
 

Charles Sanders Peirce, The Fixation of Belief, publié pour la première fois dans The Popular Science Monthly, vol. 12 (1877), p. 1-15; nous utilisons le texte tel qu'il paraît dans Writings, vol. 3, p. 242-257. Le texte de cet article figure également dans le tome 5 des Collected Papers of Charles Sanders Peirce, ainsi que dans plusieurs recueils populaires des écrits de Peirce. Il s'agit de la version anglaise de « Croyance ». Titre abrégé : « Fixation ».
 

Charles Sanders Peirce, « Comment se fixe la croyance », publié en français en 1878 dans la Revue philosophique de la France et de l'Etranger, vol. 6, p. 553-569. Sauf indication contraire, nous utilisons la version du texte publiée dans les Textes anticartésiens, p. 267-286. Le même article paraît également dans Writings, vol. 3, p. 338-355. Il s'agit de la version française de « Fixation ». Titre abrégé : « Croyance ».
 

Charles Sanders Peirce, Textes anticartésiens, présentation et traduction [de ceux des textes qui n'étaient pas déjà en français!] de Joseph Chenu, Paris, Éditions Aubier-Montaigne, collection « Philosophie de l'esprit », 1984.
 

Charles Sanders Peirce, Writings of Charles S. Peirce: A Chronological Edition, vol. 2 (1867-1871), sous la direction d'Edward C. MOORE etal., Bloomington, Indiana University Press, 1984. Titre abrégé : Writings, vol. 2.
 

Charles Sanders Peirce, Writings of Charles S. Peirce: A Chronological Edition, vol. 3 (1872-1878), sous la direction de Christian J. W. Kloesel, etal., Bloomington, Indiana University Press, 1986. Titre abrégé : Writings, vol. 3.
 

Robert Marty, L'Algèbre des signes : Essai de sémiotique scientifique d'après Charles Sanders Peirce, vol. 24 dans la série "Foundations of Semiotics" sous la direction générale d'Achim Eschbach, Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins Publishing Company, 1990.